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Rosalie Hurtado

Vertigineuse plongée dans les abysses


Contemplation fascinée de ces gouffres amers où certains poissons, avalés par la nuit, se métamorphosent en « épouvantes ». Claude Blanc-Brude, artiste plasticien octogénaire de la région, provoque en nous des regards hallucinés avec sa nouvelle série de tableaux intitulée « Les abysses ». On plonge dans des océans engloutis par les noirs, où des poissons esseulés, prédateurs, sont métamorphosés par l’effroi ou avalés par la nuit…


Les abysses, source d’inspiration labyrinthique

Les vertigineux abysses constituent un monde fascinant dans les zones profondes de l’océan où la lumière ne pénètre jamais. Les plaines abyssales qui composent la plus grande partie des fonds océaniques se trouvent entre trois et six mille mètres de profondeur. La fosse de Marianne est le plus profond, à onze mille mètres. Moins fréquentés par l’homme que la lune, les abysses occupent néanmoins les deux tiers de la planète Terre et restent à 95 % inexplorés. Les grands fonds sont cartographiés avec bien moins de précision que la Lune et davantage d’hommes sont allés dans l’espace qu’au plus profond des océans ! Ils sont peuplés d’une faune étrange et encore méconnue. Comme la lumière du jour ne perce pas, les animaux ont dû s’adapter à cet environnement obscur en produisant leur propre lumière. Bioluminescents, ils attirent ainsi leurs proies pour se nourrir.


Une faune abyssale cauchemardesque

En maître des vertiges, Claude Blanc-Brude nous plonge ainsi dans un univers qui semble lui être devenu obsessionnel. Ses poissons imaginaires nous ouvrent à un monde fascinant. Quelquefois apaisés, parés de pétales d’or, d’autres fois barbares, prédateurs barbouillés de couleurs fluorescentes, ocres, corail, ou blancs, plats, osseux, pointus, tachetés… ils évoluent dans l’épaisseur de la mer obscure. L’ensemble, toujours étincelant, éveille une multitude d’allégories.




Dépouillées en partie de leurs chairs, leurs arêtes portent les bruissements de l’eau. Leurs silhouettes, quelquefois très belles, présentent des altérations, créant des vides. Leurs surfaces grêlées, trouées, percluses d’élégantes biffures les font passer pour des reliques d’un autre monde. Il traduit ainsi l’immense solitude des poissons dans les profondeurs de l’océan. A l’image de la faune abyssale il produit des poissons-monstres à la physionomie cauchemardesque, qui semblent sortis d’un film de science-fiction


Avec cette nouvelle série — plus de quatre-vingts tableaux — Claude Blanc-Brude nous laisse entrevoir une civilisation marine labyrinthique, dont il est le seul à détenir le secret. Ces créations extraordinaires nous déstabilisent, parfois même nous choquent, puis nous captivent, nous émerveillent par leurs mouvements, leurs couleurs. Fervent défenseur de la bichromie, l’artiste déploie pourtant toutes les nuances de l’arc-en-ciel. Procédant inconsciemment d’une transfiguration fantastique du réel, l’œuvre a quelque chose d’hallucinatoire. Vertige des espaces infinis avec des tracés d’une précision infinie… Vertige des cadrages exagérés, boursouflés, condensés, biseautés, en plongée ou contre-plongée… et des perspectives sans fin… Vertige des horizons transformés en abîmes, par d’énigmatiques clartés happant le regard pour le perdre dans les profondeurs des océans, démultipliant les images du vide…


Nous sommes extrêmement émus, touchés au cœur par la force incroyable et la sensibilité des œuvres de Claude Blanc-Brude, qui, avec son grand âge et son dynamisme, a eu l’audace d’avoir révélé la magie d’un univers inconnu de tous.






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